Petit article en
cette période de début de campagne présidentielle sur un sujet difficile :
l’islamisation des pays arabes, principalement de ceux sortant de leurs
printemps. Pourquoi est ce que ça a de l’importance à quelques mois de
l’élection qui nous donnera un nouveau chef d’état ? Parce que le rapport
aux nouvelles démocraties du Maghreb, l’immigration qui en vient et notre
vision de nos propres compatriotes musulmans sont trois sujets dont on entendra
parler, ne serait-ce que dans le débat droite – extrême droite.
Certes, on peut
trouver préoccupant l’émergence de tout un tas de partis islamistes au moyen
orient. Est-ce pour autant une raison d’intervenir partout, d’imposer des
sanctions ou de s’inquiéter de l’immigration qui résulte des changements occasionnés ?
Donc comme toute
dissertation qui se respecte, faisons un plan thèse-antithèse-synthèse.
Quelle est la règle
numéro un de la politique étrangère ? Pas d’ingérence dans les affaires
internes d’autres pays. Voilà, c’est dit.
Bon, la réalité est un
peu plus compliquée. On ne peut décemment pas laisser des peuples se faire opprimer
ou décimer en ayant la conscience tranquille, c’est pourquoi il était temps
d’intervenir en Lybie. Mais la diplomatie doit être la première étape, pas
comme les gros sabots américains en Afghanistan et en Irak par exemple.
Mais lorsqu’un
peuple s’est engagé sur le chemin de la démocratie en gagnant ce droit par une
révolte qui lui a couté de nombreuses vies, de quelle autorité nous
prévalons-nous de juger le gouvernement qu’il élit ? Et si ce passage par
un gouvernement allié aux religieux était nécessaire ? N’oublions pas que
dans tous ces pays, le pouvoir qui était en place (souvent d’origine militaire)
ne s’appuyait pas sur les islamistes et même plutôt les combattait, voir même
opprimait les religieux. Difficile dès lors d’en vouloir à une population de
vouloir retrouver ses racines. Le même phénomène s’est déjà produit en Russie,
où à la suite de l’effondrement du communisme, on a assisté à un grand retour
vers la religion orthodoxe.
D’un autre côté, il
est difficile de ne pas s’inquiéter pour l’évolution de la pluralité, des
rapports aux autres cultures ou religions et des droits de l’homme dans les
pays concernés, en particulier ceux de la femme (si vous trouvez une
contradiction dans cette phrase, c’est que nous vivons dans un pays de
misogynes linguistiques). Et là, on a beau camoufler ça sous le beau manteau de
la culture et tenter de laisser faire, on peut être sur que des retours en
arrière sont à prévoir. Oui, par exemple d’un point de vu sociologique et
culturel, les femmes obligées de se voiler, qui ne peuvent gérer leur argent et
leurs biens, et qui sont considérées subordonnées aux hommes, c’est de
l’obscurantisme. De même que l’ostracisation de son voisin parce qu’il n’a pas
la même religion ou les mêmes idées politiques (ça marche aussi chez nous).
Alors, on en
arrivera peut être pas là, mais les extrémistes de tout poil sont toujours à
surveiller, en particulier lorsqu’ils se font appeler Salafistes. Ces fameux intégristes
venus d’Arabie Saoudite (où ils se font
appeler wahhabites) représentent aujourd’hui le courant le plus dur de l’Islam.
Et grâce à l’argent du pétrole, ils tentent de répandre leur doctrine dans le
monde musulman, profitant des printemps arabes comme ils avaient profité de la guerre
en Bosnie : on leurs doit par exemple
la construction de la plus grande mosquée en Europe (la mosquée du Roi Fahd à Sarajevo).
Bon, pour faire
avancer un peu le schmilblick, il faut se tourner vers les dernières infos et
vers les grands partis religieux qui sont majoritaires en Egypte, Tunisie et
Maroc, respectivement "Liberté et Justice", Ennahda, et le "Parti
de la justice et du développement" ainsi sans doute que celui des prochaines
élections libyennes.
Aucun d’entre eux ne
brigue pas la présidence de leur pays. Malgré le fait qu’ils soient chacun
arrivés premier dans élections post révolution et puissent numériquement
imposer le candidat de leur choix, ils ont tous décidé de former un
gouvernement d’union avec les autres partis. De plus, tous ont fait le choix de
conserver des relations diplomatiques cordiales avec l’occident (et en
particulier les Etats-Unis). Enfin, en Egypte, comme en Tunisie, ils se sont
opposés aux Salafistes.
Est-ce que tout ça n’est
pas exactement le comportement que l’on attend de grands partis républicains ?
Du coup, il semble bien que démocratie et Islam ne soient pas incompatibles, contrairement
à ce que nous chuchotaient nos peurs occidentales (pas nécessairement infondées).
Ces nouveaux gouvernements sont tout jeunes, il faut peut être commencer par
leur donner le bénéfice du doute.
Et pour finir, un paragraphe rapide sur les remarques de
certains partis français (plutôt à droite, ne nous mentons pas…) suite à l’immigration
provenant des nouvelles démocraties arabes et à la peur que provoquaient
les révolutions:
Petit rappel
historique : tous les pays monarchiques ont déclaré la guerre à la France lorsque
celle-ci a raccourci son Roi, par peur de la contagion des idées
révolutionnaires et du flot d’immigration qui suivrait dans leur pays. Comment
est ce que notre belle nation, héritière de cet esprit de combat contre
l’oppression, peut aujourd’hui avoir peur de ces voisins qui
s’émancipent de la dictature ? Ou rejeter ces populations qui fuient la
guerre ? Ca ne vous donne pas légèrement envie de vomir ?
La peur et l’ignorance
sont les deux armes favorites des populistes (autre nom des fascistes). Les
utiliser une veille d’élection n’est rien de plus qu’un moyen de détourner l’attention
des vrais problèmes, qu’ils soient économiques ou sociaux. Lorsque vous
déposerez vos bulletins dans l’urne, faites le pour les bonnes raisons !