mercredi 15 décembre 2010

Le petit Mercredi apolitique de gaets n°10 : Lamarckisme et girafes

50 ans avant Darwin, un petit français s’est penché lui aussi sur l’évolution des êtres vivants. Biologiste formé chez les jésuites (ça vous rappelle un article précédent ?), Jean-Baptiste de Lamarck a inventé une théorie sur la transmission des caractères acquis pour expliquer l’adaptation des espèces. Alors pas de bol pour lui, mauvaise théorie (du moins en partie) qui tient en deux points :
-          La complexification croissante du vivant (qui a dit que ça ressemblait aux explications de Theilard de Chardin ?)
-          L’adaptation des êtres vivants tout au long de leur vie (par leur métabolisme) aux conditions extérieures et la transmissibilité de ses caractères à la génération suivante. Ex : la girafe a un long cou parce qu’elle (et ses aïeuls) tendaient beaucoup la tête pour attraper les feuilles hautes perchées.
Point numéro un, pas de problème. Point numéro deux, moins bien défendable une fois que Darwin et la découverte de la génétique sont passés par là.
Quoique… Il semble que des études de population tendent à prouver que certains caractères développés par des générations précédentes sont transmissibles. Un petit exemple : en 1944, suite à l’opération "Market Garden" au Pays Bas pendant la guerre, une famine terrible se déclare. Les enfants nés cette année là sont très petits voir rachitiques. Hors, une fois devenus adultes, les femmes de cette génération ont à leur tour des enfants rachitiques (alors que la cause à disparue). Et la génération suivante aussi.
L’étude de ces phénomènes s’appelle l’épigénétique. Ils seraient aussi responsables de l’augmentation de la taille des êtres humains par exemple. Plusieurs possibilités ont été avancées pour les expliquer : Par exemple du code génétique provenant des brins d’ARN de la mère pourrait se retrouver dans les ovules, ou bien il existerait des échanges d’ARN avec le bébé. Il pourrait aussi s’agir du déclenchement de certains gènes selon la présence dans l’organisme de la mère de telle ou telle protéine et donc de  l’influence sur nos gènes de ce que nous mangeons ou respirons…
Bref, le lamarckisme revient un peu sur le devant de la scène scientifique. De façon sporadique, je dirais. Mais il y a un domaine où il apparaît beaucoup plus depuis quelques temps. Et c’est dans la sociologie.

Petit retour au milieu du XIXème : après la parution de l’Origine des espèces, une multitude de sociologues se convertissent au darwinisme social, application du principe de l’évolution au milieu humain. Cette théorie qui postule que la lutte pour la vie entre les hommes est l'état naturel des relations sociales, a mené pas mal de scientifiques (dont Thomas Huxley par exemple, grand père de l’auteur du meilleur des Mondes. Y a pas de hasard) à demander l’arrêt des mesures d’aide envers les pauvres ou l’abandon de la charité : en effet, si la survie du plus apte est le moyen de faire évoluer l’humanité, alors il faut encourager son travail d’élimination. C’est le début de l’eugénisme et des horreurs auxquelles ont menés l’application de la loi naturelle à une société culturelle (encore un point pour un article précédent). Un demi-siècle plus tard, la shoah frappait.
Bien, je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que l’eugénisme est une absurdité monumentale. Deux choses viennent nous prouver que le darwinisme ne s’applique pas à la société humaine :
-          Le conflit n’est pas le seul moteur de l’évolution humaine : les plus grandes œuvres sont le fruit de la socialisation et de l’entraide mutuelle.
-          Le passage des "données" d’une génération à l’autre est de type lamarckien et pas darwinien. En clair, on peut transmettre à ses enfants plus que ce que les nôtres nous ont appris. Ce qui fait qu’il n’existe pas de processus de "spécialisation" dans l’espèce humaine : des enfants d’ouvriers peuvent devenir cadres et inversement. De même, nous ne sommes pas "programmés" génétiquement ou socialement pour une tache. Nous choisissons notre voix et ce choix nous transforme (comme le cou de la girafe).

Encore une preuve, s’il en fallait une, que le monde naturel et le monde humain ne sont pas (et surtout ne doivent pas) être régi par les mêmes règles.

samedi 4 décembre 2010

Le petit Mercredi apolitique de gaets n°9 : Church on Time


Quelques petites idées rapides pour rappeler au monde que l’église n’est pas qu’un ramassis d’idiots superstitieux, anthropocentriques et effrayés par leur propre fin.

-      Le débat avec la science : facile de prendre des erreurs vieilles de 500 ans et de les réappliquer aujourd’hui. Oui l’église du 16ème siècle s’est opposée à Copernic et Galilée. Super intéressant de mentionner l’obscurantisme de l’époque dans les débats actuels, autant mentionner à Robert Hue que son parti politique a tué quelques millions de personnes dans les goulags soviétiques. En plus, depuis le concile Vatican II, des dizaines de commissions ont été créées au Saint Siège pour étudier les différentes avancées scientifiques et leur rapport à la bible. Par exemple, la possibilité d’une vie extraterrestre a été envisagée par le pape : oui, oui. Là où 75% de la population mondiale se trouve en désaccord avec les scientifiques, l’église a choisit le côté des progressistes.
Encore plus fort, la présence d’un certain nombre d’ordre religieux très attachés à la pensée scientifique, en particulier l’ordre jésuite. Pour ne citer qu’un nom, prenez Pierre Teilhard de Chardin, chercheur, théologien, paléontologue et philosophe (et aussi jésuite, personne n’est parfait). Il avait prévu l’avènement de l’ère internet dès le début du XXème, et la fameuse convergence technologique que tout le monde attend (certains devraient reconnaître ce genre de termes provenant de bouquins de Dan Simmons, de Frank Herbert, ou de tout roman d’anticipation parlant de science).
Il a aussi théorisé ce qu’on appelle la complexification "verticale" accélérée de l’univers (voir le schéma) ou, en termes plus simples, comment le monde tend à grimper d’un échelon à l’autre de plus en plus vite (un petit lien)
-      Le décalage entre les mœurs actuelles et les valeurs défendues par l’église. Evidemment, difficile de défendre l’abstinence avant le mariage dans le monde actuel. Plus difficile que de prôner que le meurtre de son voisin est un péché dans le monde romain du premier siècle ? Pas sûr. Pourtant, personne ne pourrait en vouloir aujourd’hui à l’église pour ce combat. Le reproche que l’on adresse au clergé ces derniers temps sur l’Afrique et le SIDA relève (presque) de la même problématique : la différence entre l’absolu et le relatif. L’église ne prêche pas de compromis, elle prêche un absolu idéal. Et dans cet absolu, on est monogame, abstinent avant le mariage et on n’utilise pas de moyen de contraception qui s’oppose à la vie. C’est dans ces conditions que l’église s’oppose à l’utilisation du préservatif. Quel genre de religion placerait des absolus pour ensuite dire à ses fidèles de les transgresser ?
Au passage, le récent "revirement" du pape dans ce domaine n’en est pas un. Il a juste dit que dans l’optique d’arriver à une relation de couple parfaite susmentionnée, il était parfois nécessaire d’avoir recours au préservatif, que ce n’était pas l’idéal mais que ça pouvait être responsable.
-      L’ingérence dans les affaires nationales. Ah oui, donner son avis sur des problèmes d’autres pays ou institutions (dans l’affaire des roms en France par exemple), c’est vraiment quelque chose de très mal. Euh, attendez… Ce n’est pas ce qu’à fait le comité des Nobel en donnant le prix au chinois Liu Xiaobo ? Ou ce qu’a fait le comité de Cannes en donnant un prix à Michael Moore ? Est-ce qu’une organisation dont la vocation est d’ordre  morale peut éviter de parler de ce qui se passe dans le monde ?
-      Le lien entre l’église et la droite. Après quelques recherches, j’ai trouvé un embryon d’explication sur le pourquoi du comment. En général, on aurait plutôt tendance à  associer les croyants avec des valeurs de partage plus proche de la gauche, mais les chrétiens en général sont très réceptifs à une société paisible d’un point de vu social. Vision qui ne colle pas trop avec la lutte des classes prônée par la gauche ces dernières années. Cependant, le gouvernement actuel (et son président en particulier) semble prendre un malin plaisir à exposer la trilogie des péchés : sexe, pouvoir et argent. Sexe pour un remariage trois mois après un divorce, pouvoir pour les liens avec les industries et les médias, et argent pour le côté bling-bling et l’augmentation de 300% de son propre salaire. Pas étonnant de ressentir un léger désaveu…

 Au passage, l’église est sans doute la seule institution qui soit aujourd’hui en mesure de prendre autant de critiques dans la face sans tomber dans l’extrémisme ou le populisme. Il doit y avoir un fond de valeurs intéressantes qui la font tenir debout.

jeudi 2 décembre 2010

Le petit Mercredi apolitique de gaets n°8 : Man vs. Wild

La suprématie de la vie naturelle est un thème assez récurrent dans pas mal de mouvements actuels. L’idée majeure de ce "retour aux sources" est que la société (de consommation en particulier) nous corrompt, et que par voix de conséquence, comme dirait notre ami Francis, c’était mieux avant. Bref, que l’homme doit vivre plus près de ces instincts.
L’idée peut être poussée encore plus loin, en se disant par exemple que la loi de l’évolution (darwinienne) devrait régner dans le monde humain, que la nature ne connaît pas le "Mal" et que forcément, elle est, comme toute création, parfaite.
On peut encore penser que l’homme est l’aboutissement de la nature, son chef d’œuvre. Que l’on peut vivre en harmonie avec la nature, tout en ayant une place spéciale dans le cycle. Ou que l’humanité est (actuellement) inférieure d’un point de vu éthique au reste de la nature, parce que nous nous entre-tuons.
Quelques petites remarques pour remettre maintenant en doute la bonté de cette mère nature idéale :
Pour commencer, les notions de bien et mal sont humaines, comme celle de raison, de justice ou d’égalité. Pas la peine d’anthropomorphiser un processus non conscient comme l’évolution et lui coller des adjectifs qui révèle de l’éthique humaine. La nature (et l’évolution) n’a pas d’autre but que de survivre et de s’étendre. Elle n’a pas de compas moral (pas comme nous, que ce compas soit imaginaire ou réel).
Ensuite, nous ne sommes pas aboutissement de l’évolution, simplement parce qu’il n’y a pas de fin à ce processus. De plus, d’un point de vu strictement naturel (et donc pas humain), nous sommes aussi évolués que la première bactérie venue (Bon peut être pas… Le premier animal venu donc). En toutes choses, nous sommes sans doute même moins évolués, étant donné que nous n’appliquons pas la fameuse loi de la survie du mieux adapté.
Enfin, pour ce qui est de l’harmonie avec la nature, de quoi on parle exactement ? De laisser de temps en temps un loup ou un ours gagner et nous bouffer ? La loi naturelle n’est pas vraiment très agréable si on n’est pas tout en haut de la chaine alimentaire. Et le fameux "autrefois, on vivait mieux" est une absurdité de la pire espèce : il y a 200 ans, l’espérance de vie était de 30 ans et le taux de mortalité infantile de 200 pour 1000 à un an.

La culture a pris le relais de la nature dans la société humaine. Ce que la nature ne nous apprend pas par l’instinct pour faire un humain, nous l’apprenons, enfant, par la culture (ou l’éducation si vous préférez le terme). La méthode culturelle est d’ailleurs bien supérieure en efficacité et en rapidité. Nous dominons désormais très largement notre monde sans y être adapté, et nous lui faisons aussi beaucoup de mal (mais cela est un autre sujet).
L’évolution nous a porté jusqu’au stade d’homo sapiens, mais nous sommes devenus beaucoup plus que de simples singes aux pouces opposables, et ne nous trompons pas, ce qui nous rend humain, c’est bien cette culture et pas notre instinct.

Le règne humain est tout sauf naturel, et c’est une bonne chose, d’un point de vu humain.

PS : Le dessin de l'article est tiré du site Saturday Morning Breakfast Cereals que je vous recommande chaudement.